La revue trimestrielle du Gsara


Exposé

Witch Gamez : le remède au sexisme dans les jeux vidéo

Collectif Witch GamezOptiques n°7 – printemps 2025

Dans le milieu du jeu vidéo, bastion longtemps perçu comme masculin, où les princesses attendent d’être sauvées et les héroïnes ont parfois plus de polygones dans leur poitrine que dans leur personnalité, un groupe de sorcières modernes a décidé de jeter un sort au patriarcat. Né d’un ras-le-bol général en 2020, Witch Gamez est le fruit d’une alliance entre des joueuses fatiguées d’entendre que la seule quête appropriée pour elles serait de trouver la cuisine dans Skyrim. Ces cyber-sorcières ont décidé de troquer leurs balais contre des manettes/CS et de lancer des sorts de sensibilisation plutôt que des boules de feu et transformer les «go back to the kitchen  » en trophées et les ragequits (terme qui désigne un joueur ou une joueuse quittant précipitamment une partie en ligne) en révolutions féministes.

Un inventaire bien trop rempli d’exemples, offrant un aperçu de la réalité dans le domaine

Trop souvent, les jeux vidéo réalisés par des hommes pour des hommes ont été la norme. Si bien que lorsque des représentations de la diversité éclosent, lorsque des voix divergentes s’élèvent au-dessus du sexisme ambiant, le retour de bâton n’est jamais loin. 

En 2023, des fuites concernant GTA VI ont révélé qu’une femme serait l’un des personnages principaux, provoquant une vague de réactions sexistes en ligne. Certains joueurs ont exprimé leur mécontentement sur les réseaux sociaux, avançant des stéréotypes comme quoi une protagoniste féminine rendrait le jeu moins « authentique ».

Un exemple marquant est celui d’Ultia, qui avait osé reprendre de volée l’attitude sexiste d’ Inoxtag lors du ZEvent 2021. Depuis, et encore en 2024, elle est la cible de milliers de messages moqueurs et haineux sur les réseaux sociaux dès lors qu’elle participe à des événements. Ultia a dénoncé cette campagne massive de cyberharcèlement et a même poursuivi ses auteurs en justice, rappelant que ce type d’attaques n’est pas isolé mais récurrent dans l’expérience des streameuses.

Plus récemment, en février, Solary, une structure e-sportive, annonçait la composition de son équipe féminine pour la saison 2025 de League of Legends, incluant trois joueuses transgenres. Cette annonce a déclenché un torrent de commentaires transphobes sur les réseaux sociaux, atteignant très rapidement 20 millions de vues sur la plateforme X. Un chiffre qui dépasse très largement le nombre de spectateurs habituels des ligues compétitives féminines. Cette réaction virulente face à une simple tentative de diversification montre à quel point le chemin vers l’égalité est encore long. 

Ce paysage culturel semble, en effet, fort peu inclusif pour les femmes et les minorités de genre. Et encore, en matière de sexisme dans les jeux vidéo, ce n’est que la partie émergée de l’iceberg. Chez Witch Gamez, on ne se préoccupe pas seulement des polémiques médiatisées, mais aussi et surtout de ce que vivent les minorités de genre au quotidien, dans leur pratique de loisir autour du jeu vidéo.

Le chaudron bouillonne en silence

Jouer aux jeux vidéo multijoueurs, c’est faire un premier constat alarmant : 40% des joueuses ont déjà été victimes d’une forme de sexisme lors de leurs interactions en ligne dans l’univers du jeu vidéo. Cela inclut des insultes, des propositions sexuelles non sollicitées ou encore un refus de jouer avec elles simplement parce qu’elles sont perçues comme des femmes.1

Ce chiffre révèle une triste réalité souvent occultée derrière les écrans lumineux de nos consoles et ordinateurs.

Alors que l’industrie du jeu vidéo est le premier média de divertissement au monde et continue de brasser des milliards d’euros, Witch Gamez aime à rappeler qu’un joueur sur deux est en fait une joueuse. Une statistique qui surprend souvent tant le domaine semble réservé aux hommes.

Et pour cause, dans bon nombre d’espaces de jeux en ligne, les femmes semblent absentes.  Il se trouve qu’au fil des parties, les joueuses ont mis en place des stratégies d’évitement : 30% évitent d’utiliser le chat vocal, 26% quittent une partie en cours pour éviter des interactions négatives et 24% évitent tout simplement de jouer en ligne. 

Ces stratégies, bien qu’efficaces pour éviter le harcèlement, contribuent à l’invisibilisation des femmes dans l’espace vidéoludique.2

Ras le chapeau

Chez Witch Gamez on ne se contente pas de pointer du doigt les problèmes, on propose aussi des solutions concrètes. 

C’est de là qu’est venue l’idée de rassembler les joueuses et de réaliser un répertoire des Hauts-Faits de vécu sexiste !

Les « Hauts Faits », conçus comme un équivalent anti-sexiste des trophées PlayStation ou des Succès Steam,(où l’on reçoit une récompense pour avoir accompli une action hors du commun), permettent aux joueuses de « collectionner » et de nommer les attitudes sexistes qu’elles rencontrent, transformant ainsi des expériences négatives en une forme d’accomplissement sarcastique.

Le collectif s’attaque aussi à des problématiques qui vont bien au-delà du simple « go back to the kitchen » ou du /mute. De la représentation des personnages féminins (parce que non, une armure bikini n’est pas très pratique pour combattre des dragons) aux comportements des communautés, en passant par la responsabilité des éditeurs, plateformes de diffusions ou des pouvoirs publics, Witch Gamez couvre un spectre aussi large que les DLC (contenus téléchargeables) d’un jeu Ubisoft.

Ainsi, l’association sensibilise un large public au sexisme dans la pratique du jeu vidéo, crée des solidarités entre les gameuses, documente, partage des ressources et fournit des leviers d’actions pour rendre les espaces de gaming plus inclusifs. En créant des ponts entre secteur associatif, industrie vidéoludique et publics du jeu vidéo, nous développons des projets variés et créatifs : recherche-action, podcast “En direct de la cuisine”, décryptage de l’actualité vidéoludique au prisme du genre, campagnes de sensibilisation, exposition itinérante, etc. 

Notre mission ? Créer un espace de jeu où tout le monde peut s’épanouir, indépendamment de son genre. Un monde où les femmes et les minorités de genre peuvent jouer sans avoir à cacher leur voix, et où les personnages LGBTQIA+ ont autant de profondeur que ne l’ont eu jusqu’alors les personnages masculins.

Le collectif offre différents types d’interventions et d’outils de sensibilisation via : des animations de communauté, la participation à des conventions, des conférences, des tables-rondes, de l’activisme sur les réseaux sociaux, la rédaction d’analyses, des expositions itinérantes, de la consultance et des outils éducatifs.

https://witchgamez.com

  1. https://fr.statista.com/statistiques/1382125/femmes-victimes-sexisme-jeux-video/ ↩︎
  2. https://www.csem.be/profile-select?destination=/eduquer-aux-medias/experiences-de-terrain/appels-a-projet-hors-scolaires/gaming-fminisme-dcryptage » HYPERLINK « https://www.csem.be/profile-select?destination=/eduquer-aux-medias/experiences-de-terrain/appels-a-projet-hors-scolaires/gaming-fminisme-dcryptage » HYPERLINK « https://www.csem.be/profile-select?destination=/eduquer-aux-medias/experiences-de-terrain/appels-a-projet-hors-scolaires/gaming-fminisme-dcryptage »https://gamertop.fr/enquete-ifop/ ↩︎

Collectif Witch Gamez

Collectif luttant contre le sexisme dans le jeu video